Dialogue à travers la tombe
En rêve, je me vis, la nuit, au cimetière,
Pleurant la bien-aimée et lui disant : hélas !
Devez-vous à jamais demeurer sous la pierre ?
Vous appelé-je en vain ? ne renaîtrez-vous pas ?
Les prophètes sont-ils convaincus de mensonge ?
Si vous tardez encor, qui peut penser à vous ?
Mais soudain j’entendis une voix, dans mon songe,
Qui murmurait sous l’herbe où j’étais à genoux :
« Eh quoi ! mon pauvre enfant, me croyez-vous donc morte ?
Et votre cœur est-il si dépourvu de foi,
Qu’une vaine apparence, une ombre vous importe,
Qu’un instant de sommeil fasse douter de moi ?
« Ignorez-vous encore à ce point mon histoire ?
Ne vous ai-je pas dit par où j’avais passé ?
Sachez que je choisis pour mes jours de victoire
Les jours où des esprits mon nom semble effacé.
« Ils m’ont, comme Jésus, à la croix attachée,
Pour garder mon sépulcre, ils ont mis des soldats ;
Mais l’œuvre se poursuit, à tous les yeux cachée,
Le tombeau qui me tient ne me gardera pas.
« Vous me verrez, pareille au blond fils de Marie,
Terrible, étincelante au plus noir de la nuit,
Foudroyant des soldats la cohorte endormie,
Au milieu des éclairs me lever à grand bruit.
« Croyez en moi ! Je suis la Justice éternelle.
Dont le bras n’a jamais reposé qu’un instant ;
Je suis celle qui meurt pour renaître plus belle,
Je suis celle qui vient lorsque moins on l’attend. »
J.-F. ROLAND.
Paru dans La Lumière en août 1888.