Alléluia d’amour
Tout est si doux dans les bois !
La nature est caressante :
Parle encor, et que ta voix
Chante l’ivresse naissante.
La nuit tendre fait l’amour
Au muguet blanc qui la grise,
Et la lune fait sa cour
Au ciel d’acier qu’elle irise.
Tout s’enlace, tout s’unit,
Dans ce délirant mystère,
Les becs roses près du nid,
Et la germandrée au lierre.
C’est la fête du baiser,
Où le cœur, brûlant de fièvre,
Ne cherche, pour s’apaiser,
Que la fraîcheur d’une lèvre.
Vois : tout nous redit l’amour ;
Le vent en parle au nuage,
La nuit le murmure au jour,
L’oiseau le chante au bocage.
Sur la mousse, le ruisseau
En le frôlant se câline,
Et, sur le jeune arbrisseau,
Le pivert se dodeline.
Comme eux, cueillons à foison
La douce fleur de tendresse.
Qu’à Dieu monte l’oraison
De notre ardente jeunesse.
Sans peur, quand viendra la mort,
Nous partirons, avec elle,
Très vieux, nous aimant encor,
Moi tendre, et toi toujours belle.
Marguerite ROLLE.
Paru dans L’Année des poètes en 1894.