L’amitié
À M. Louis X.
SUR les bords du chemin que l’on suit en ce monde
Le ciel a répandu, dans un jour de pitié,
Le germe d’une fleur délicate et féconde
Que l’on nomme amitié.
Dans son calice d’or est renfermé le baume
Qui relève l’esprit et calme la douleur,
Qui, sous le toit des grands et sous le toit de chaume,
Exhale sa senteur.
Heureux, heureux celui qui, dès son premier âge,
Le long de ce sentier a cueilli cette fleur,
Et comme un talisman, pour les heures d’orage,
L’a mise sur son cœur.
Heureux surtout celui qui, d’une main prudente,
La conserve avec soin dans la joie et le deuil
Contre tous les efforts d’une brise inconstante
Et contre tout écueil.
Je connais ce bonheur, j’ai vu la fleur chérie
Se pencher sur mon sein avec un doux transport,
Et j’ai béni le ciel, et je l’ai recueillie
À la vie, à la mort !
Thonon, 29 Décembre 1874.
Joseph ROLLIER.
Recueilli dans Le Parnasse contemporain savoyard,
publié par Charles Buet, 1889.