Profession de foi catholique

 

 

Or, ce Dieu tout-puissant plein d’éternelle essence,

Tout rempli de vertu, de bonté, de puissance,

D’immense majesté, qui voit tout, qui sait tout,

Sans nul commencement, sans milieu ni sans bout,

Dont la divinité très royale et suprême

N’a besoin d’autre bien sinon de son bien même,

Se commençant par elle et finissant en soi ;

Bref, ce Prince éternel, ce Seigneur et ce Roi,

Qui des peuples le père et le pasteur se nomme,

Ayant compassion des misères de l’homme

Et désirant qu’il fût du péché triomphant,

En ce monde envoya son cher unique Enfant

Éternel comme lui, et de la même essence,

Ayant du Père sien la gloire et la puissance.

 

Or ce Fils bien-aimé qu’on nomme Jésus-Christ,

Au ventre Virginal conçu du Saint Esprit,

Vêtit sa déité d’une nature humaine

Et, sans péché, porta de nos péchés la peine ;

Publiquement au peuple en ce monde il prêcha ;

De son Père l’honneur non le sien il chercha,

Et sans conduire aux champs ni soldats ni armées,

Fit germer l’Évangiles ès terres Idumées.

Il fut accompagné de douze seulement,

Mal nourri, mal vêtu, sans biens aucunement,

Bien que tout fût à lui de l’un à l’autre pôle.

Il fut très admirable en œuvre et en parole,

Aux morts il fit revoir la clarté de nos cieux,

Rendit l’oreille aux sourds, aux aveugles les yeux,

Il saoula de cinq pains les troupes vagabondes,

Il arrêta les vents, il marcha sur les ondes,

Et de son corps divin mortellement vêtu

Les miracles sortaient, témoins de sa vertu.

 

Le peuple, qui avait la cervelle endurcie,

Le fit mourir en Croix, suivant la Prophétie ;

Il fut mis au tombeau, puis il ressuscita,

Puis, porté dans le Ciel, à la dextre monta

De son Père là-haut, et n’en doit point descendre

Visible, que ce monde il ne consume en cendre.

 

Quand vainqueur de la mort dans le Ciel se haussa,

Pour gouverner les siens une Église laissa,

À qui donna pouvoir de lier et dissoudre,

D’accuser, de juger, de damner et d’absoudre,

Promettant que toujours avec elle serait

Et comme son Époux ne la délaisserait.

 

Cette Église première en Jésus-Christ fondée,

Pleine du Saint Esprit, s’apparut en Judée ;

Puis saint Paul, le vaisseau de grâce et de savoir,

La fit ardentement en Grèce recevoir ;

Puis elle vint à Rome, et de là fut portée

Bien loin aux quatre parts de la terre habitée.

 

Cette Église nous est par la tradition

De père en fils laissée en toute nation

Pour bonne et légitime, et venant des Apôtres ;

Seule la confessons sans en recevoir d’autres.

 

Elle, pleine de grâce et de l’esprit de Dieu,

Choisit quatre témoins, saint Jean, Luc, Marc, Matthieu,

Secrétaires de Christ, et pour les faire croire

Aux peuples baptisés approuva leur histoire.

 

Si tôt qu’elle eut rangé les villes et les Rois,

Pour maintenir le peuple elle ordonna des lois,

Et afin de coller les provinces unies

Comme un ciment bien fort fit des cérémonies,

Sans lesquelles longtemps en toute région

Ne se pourrait garder nulle religion.

 

Certes il faut penser que ceux du premier âge

Plus que ceux d’aujourd’hui avaient le cerveau sage,

Et que par ignorance ils n’ont jamais failli...

 

Il est vrai que le temps, qui tout change et détruit,

A mille et mille abus en l’Église introduit...

Je sais que nos Pasteurs ont désiré la peau

Plus qu’ils n’ont la santé de leur pauvre troupeau ;

Je sais que des Abbés la cuisine trop riche

A laissé du Seigneur tomber la vigne en friche ;

Je vois bien que l’ivraie étouffe le bon blé,

Et si n’ai pas l’esprit si gros ni si troublé,

Que je ne sente bien que l’Église première

Par le temps a perdu beaucoup de sa lumière.

Tant s’en faut que je veuille aux abus demeurer,

Que je me veux du tout des abus séparer,

Des abus que je hais, que j’abhorre et méprise :

Je ne me veux pourtant séparer de l’Église,

Ni ne ferai jamais ; plutôt par mille efforts

Je voudrais endurer l’horreur de mille morts.

Comme un bon laboureur, qui par sa diligence

Sépare les chardons de la bonne semence,

Ainsi qui voudra bien l’Évangile avancer,

Il faut chasser l’abus et l’Église embrasser,

Et ne s’en séparer, mais fermement la suivre

Et dedans son giron toujours mourir et vivre...

 

 

 

Pierre de RONSARD, 1563.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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