Ô mon Dieu !
Ad te, Domine, levavi animam meam.
Ps. XXIV.
Ô mon Dieu !... ces trois mots exhalés de notre âme,
Ainsi que les parfums s’élèvent jusqu’aux cieux ;
Ils montent au Seigneur, aussi purs que la flamme,
Plus doux qu’un doux accord d’un luth mélodieux.
C’est le cri qu’ici-bas arrache la souffrance ;
C’est un écho plaintif que réveille un soupir :
Serait-ce dans nos cœurs la voix de l’espérance ?
Ou n’est-ce pas du ciel un vague souvenir ?...
Ô mon Dieu ! c’est à vous que triste et solitaire
S’adresse l’orphelin, du monde repoussé ;
C’est de vous qu’il attend un appui tutélaire,
Des riches orgueilleux le pauvre délaissé.
Sous des climats lointains, les yeux vers sa patrie,
L’exilé par ces mots formule sa douleur :
Heureux si, près de lui, quelque voix attendrie
Murmure, en soupirant, ce nom consolateur !
C’est le cri d’un mortel que l’injustice accable,
Que l’envie a sali de ses impures mains ;
Faible, se résignant à la haine implacable,
Il appelle à son Dieu des jugements humains.
Oh ! quels mots diraient mieux une amitié trahie,
Un bonheur qui n’est plus, un désir impuissant,
D’un amour abusé l’erreur évanouie.
L’élan de la pitié, l’espoir de l’innocent ?
Ainsi donc, ô mon Dieu ! l’homme, à chaque misère
Prélude par ton nom aux plaintes de son cœur !...
Serait-ce de son sort l’expression amère,
Et d’un reproche à toi l’accent accusateur ?
Ah ! s’il ose élever une voix qui t’offense,
Pardonne-lui, Seigneur, il est bien malheureux ;
Pardonne, et ne reçois que le cri d’espérance
D’un enfant exilé qui se souvient des cieux.
Ton nom, ton nom sacré, notre âme le recèle :
Le coup de la douleur l’y fait briller soudain ;
Ainsi que le caillou renferme l’étincelle
Qu’un choc inattendu fait jaillir de son sein.
Ainsi l’onde s’épanche avec un doux murmure ;
Ainsi la harpe, au soir quand passent les zéphirs,
À la brise des mers, aux voix de la nature
Plaintive, vient mêler d’harmonieux soupirs.
C’est un mot échappé des célestes phalanges,
Descendu jusqu’à nous, sans doute avec l’amour :
Les seuls mots conservés du langage des anges
Que l’homme a su jadis, qu’il doit reprendre un jour.
Charles de ROSIÈRES.
Paru dans La France littéraire en 1832.