Le calvaire de Dieppe

 

 

À M. H. DE LA VILLEMARQUÉ

 

 

LE phare s’allumait au bout de la jetée ;

Le calvaire, étendant ses grands bras dans les cieux,

Regardait la mer grise, écumante, agitée ;

La nuit tombait ; le vent se levait furieux.

 

Bientôt on entendit sous les falaises blanches

Les flots hurler dans l’ombre et la bise mugir.

Le Christ, ainsi qu’un fruit secoué dans les branches,

Ébranlé sur sa croix, commençait à gémir.

 

Alors un vieux marin, tête nue, en silence,

Vint se mettre à genoux et prier le Sauveur,

Pour ses fils ballottés sur cette mer immense

Dont la rage sinistre épouvantait son cœur.

 

Lorsqu’un rayon du phare éclairait son visage,

On y voyait des pleurs qui roulaient de ses yeux.

Mais la clameur des flots grandissait plus sauvage

Et le Christ gémissait dans le ciel ténébreux.

 

Le vieux marin resta jusqu’au jour en prière ;

Et quand l’aube entrouvrit un horizon vermeil,

La barque de ses fils parut dans la lumière,

Bondissant sur l’eau verte en avant du soleil.

 

 

 

Joseph ROUSSE, Chants d’un Celte, 1886.

 

 

 

 

 

 

 

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