Le drapeau breton
À M. VINCENT AUDREN DE KERDREL
AU clocher de Saint-Pol, sur le ciel bleu d’été,
Flottait un blanc drapeau semé d’hermines noires.
C’était jour de pardon dans la vieille cité.
Des étrangers passaient, ignorants de nos gloires,
Et disaient : « Quel est ce drapeau ? »
Un homme aux longs cheveux, venu de la montagne,
Répondit : « Vous pouvez ôter votre chapeau :
« C’est la bannière de Bretagne ! »
Oui, nos vieux ducs portaient, en allant aux combats,
Un écusson d’argent tout parsemé d’hermines.
Leur bannière était blanche et noire, et leurs soldats
La montraient fièrement aux nations voisines.
À côté de Jean de Montfort,
Elle vit les Français, sous les remparts de Nantes,
Des otages bretons qu’ils avaient mis à mort
Lui lancer les têtes sanglantes.
Les Trente la plantaient sur la lande aux rieurs d’or ;
Duguesclin l’arbora jusqu’au fond de l’Espagne,
Et devant Richemont elle brillait encor,
Quand avec Jeanne d’Arc il tenait la campagne.
Puis vinrent les sinistres jours.
François Deux s’éteignit dans l’ombre et la tristesse,
Et la main des Français arracha de nos tours
L’étendard de notre Duchesse.
Les siècles ont passé, mais au cœur des Bretons
Un amour est resté pour la vieille bannière.
Leurs monuments toujours sont ornés d’écussons
Où l’hermine est sculptée et peinte sur la pierre.
Ainsi qu’au temps d’Alain Fergent,
L’église de nos bourgs, la vaste basilique,
Se parent de drapeaux avec un champ d’argent
Semé d’hermines d’Armorique.
Joseph ROUSSE, Chants d’un Celte, 1886.