Saint-Michel de Carnac
À M. ANTHIME MÉNARD
LE givre a changé les bruyères
En aigrettes de diamants.
La lande est blanche, et sur les pierres
La neige a mis des linceuls blancs.
Les menhirs semblent des fantômes
Alignés comme des soldats,
Passant sous ce ciel terne et bas
Pour rentrer aux sombres royaumes.
L’aurore d’un rayon tardif
Effleure la plaine glacée
Où marche, sans route tracée,
Seul, un vieux prêtre au front pensif.
Il songe aux races disparues
Et gravit le mont Saint-Michel.
Dans l’église aux murailles nues
Un enfant l’attend à l’autel.
Il revêt la chasuble noire
Et chante la messe des morts
Pour ceux qui sont couchés dehors
Et dont nul n’a gardé mémoire.
À l’office point d’assistants.
Au loin l’Océan se lamente,
Et l’on entend la voix bêlante
Des vanneaux au bord des étangs.
Joseph ROUSSE, Chants d’un Celte, 1886.