Assise
J’ai vu le cordon de Saint François.
Le cordon câblé qui enserrait sa taille,
Qui fronçait sa robe, sa robe non plus de soie,
De brocard, ni de velours cette fois,
Mais bien plutôt de cette bure qui s’éraille.
Le gros cordon tordu de nœuds
Qu’il nouait simplement autour de sa taille.
J’ai vu le cordon de Saint-François.
J’ai vu le long cordon noueux,
Le cordon que désavouait le père,
Le riche drapier de Bernardone,
Le père qui ne voyait pas – Dieu le lui pardonne –
Ce qu’un tel cordon venait faire.
Mais François n’allait-il pas se marier ?
N’allait-il pas épouser Dame Pauvreté ?
Et puisque ce cordon leur convenait à tous deux...
J’ai vu le cordon de Saint François.
Le cordon avec lequel il est devenu simple,
Avec lequel il est devenu pauvre et saint.
Le cordon sale qu’il a noué cent fois, mille fois,
Le cordon qu’il a noué de ses doigts.
Le cordon usé, crasseux et simple
Que Giotto, Pisano et Gozzoli ont peint.
Le cordon brun de Saint François.
J’ai vu le cordon que portait le Poverello
Lorsqu’il prêcha le matin aux oiseaux.
Qu’il portait lorsqu’il dit aux oiseaux : « Hirondelles,
Mes petites sœurs, laissez-moi parler à mon tour. »
Tandis que ces dernières se groupaient tout autour.
J’ai vu le cordon, humble compagnon de tant de zèle,
De fatigues, de courses, de justes repos,
De grandeur, de misère, ensemble et tour à tour.
J’ai vu le cordon de Saint François,
Le cordon qui sentit battre un grand cœur,
Un cœur souverain sans textes et sans oracles,
Qui sut aimer les hommes, les bêtes et la vie
Et dont l’ombre plane encor toute sur la douce Ombrie.
Le cordon brun du divin voyageur,
Le vieux cordon témoin des beaux miracles.
J’ai vu le cordon de Saint François.
Simone ROUTIER.
Recueilli dans Le choix de Simone Routier
dans l’œuvre de Simone Routier, 1981.