Au Colisée
On dit que le boa, le grand serpent d’Afrique,
Quand il est bien repu de chair vive et de sang,
Se recourbe et s’endort d’un sommeil léthargique,
En serrant les anneaux de son orbe puissant.
Quand je te vois, gisant sur ton lit de poussière,
Immense Colisée aux arceaux surannés,
Je me dis que sans doute, ô grand monstre de pierre,
Tu cuves les festins que César t’a donnés !
Hélas ! il t’a servi tant de chair virginale,
Versé tant de sang pur pour apaiser ta faim,
Que tu n’as pu survivre à l’orgie infernale,
Et que ton lourd sommeil n’aura jamais de fin !
Éternel monument de haine et de luxure,
Je suis à ton aspect tenté de t’exécrer ;
Mais le sang des martyrs a lavé ta souillure,
Et quand je viens à toi c’est pour te vénérer !
Je le baise en pleurant, ton marbre séculaire,
Et tremblant de respect, d’amour et de terreur,
Je pétrirais mon pain de ta sainte poussière,
Sûr d’y puiser un sang qui me rendrait meilleur !
Adolphe-Basile ROUTHIER.