Les deux printemps
Dans la plaine, sur la colline,
Le doux printemps est de retour :
Sur la terre une main divine
Verse les dons de son amour.
Dans nos bois vient chanter encore
L’oiseau par le froid exilé,
Le pré sourit et se décore
D’un tapis de fleurs étoilé.
De nouveau l’aimable hirondelle
De l’aile effleure nos guérets
Et de ses concerts Philomèle
Éveille l’écho des forêts.
Tout est parfum, concerts, verdure,
L’arbre promet son fruit vermeil ;
C’est ton hymen, belle nature,
Aux rayons dorés du soleil.
Mais pour vous sentir, ô prodiges,
Qui nous ravissez, au printemps,
Pour être heureux de vos prestiges,
Il faut avoir dix-huit ans !
Cette jeunesse de la vie
Et de l’année en sa fraîcheur,
Sont comme une sœur qui convie
À l’allégresse une autre sœur.
Plus tard, dans nos cœurs s’est flétrie,
La jeune illusion de miel,
Et nous songeons que la patrie
N’est plus ici-bas, mais au ciel.
Ah ! qu’il se lève tôt le jour de la souffrance !
Combien vite nous soupirons
Pour l’heure de la délivrance !
Pour la sphère où sans fin nous nous réjouirons.
Amédée ROUVIÈRE.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1859.