Palinodie
Jeu des Points Cardinaux, quatuor de Satan,
Ton levant, ton ponant, ton sable, ta banquise,
Puisqu’ils sont abolis par le stryge Sartan,
Ce succube est plus beau que l’épouse d’Anchise.
La terre où les pavots repoussent pour Tarquin
Ouvre sur le moïse même une autre havre
Plus profond, à moins que la femme et le requin
N’aient prématurément dévoré le cadavre.
Ô vitres, ô glaciers, cœurs plus purs que le jour,
Pouvez-vous condescendre au double horrible spasme
Des affres de la Mort, des hoquets de l’Amour ?
Le seul dernier soupir possible est le sarcasme !
Les deux pierres jadis qui le mirent en sang
Font toujours sur ce crâne un accent circonflexe :
Tu lances le Poème au Ciel, il redescend,
Les strophes sur leurs pieds, les rimes sur leur sexe.
Mais, ce rire est obscène et tu fausses le tir,
Cesse de supposer les cygnes en colère :
L’Hellade et Bethléem, le Pâtre et le Martyr
Dans l’Olympe et le ciel commentent Baudelaire.
Une Parque sublime arrête les battants ;
Cratyle et Mallarmé causent de la dyade
Cependant que, franchi l’estuaire du temps,
Apollinaire jase avec Alcibiade.
L’immense azur arable est un champ de maïs
Dont les grains sont les corps et la barbe les âmes,
Et dans le firmament près de Sainte Thaïs
Un peu de voie lactée encadre Francis Jammes.
Îles qu’il chérissait, vous me rendez un Nau,
Et tu rouvres, ami longtemps lointain, ton rôle,
Toi qui scelles aussi le verbe à son anneau,
Niant un Empyrée autre que la parole.
Que les jours soient chacun dimanche ou vendredi
Me frapperait le cœur d’une vaste épouvante
Et que le tremble étale un feuillage raidi ;
Mais je n’aurai pas peur d’une aurore vivante !
Sache voir l’au-delà de ce qui fut humain
Dans un astre qui lie, un Ange qui marie,
– Car il faut qu’à toujours corresponde demain –
Edgar Poe à Lénore et Royère à MARIE.
Jean ROYÈRE.
Recueilli dans Anthologie de la Société
des poètes français, tome 1, 1947.