La barque
J’aime à suivre des yeux une barque indolente
Sur le fleuve tranquille, en un beau jour d’été ;
Elle glisse sans bruit, sans secousse, et si lente,
Qu’on a l’illusion de l’immobilité.
Pas une ride au loin sur l’onde transparente
Où du soleil ardent se mire la clarté,
Pas un souffle de vent dans le saule argenté,
Pas même un cri d’oiseau dans la plaine brûlante.
En côtoyant le bord, où, reflétés dans l’eau,
Les peupliers rangés forment un long rideau,
Le batelier, oisif, laisse pendre sa rame.
Pour l’homme, ainsi, pourrait s’endormir la douleur
S’il voulait, doucement, dans les bras du Seigneur,
Tranquille et confiant, abandonner son âme.
RUSTICA, Leçons des choses.
Repris dans L’Année des poètes en 1895.