Cantate
FRAGMENTS
CHŒUR
Hors de la nuit des temps,
Vers un but inconnu tu vas,
Dans le désert des siècles.
Ton jour, Humanité ! n’est qu’un pâle rayon,
Une faible lueur et qui tremble !
Devant toi, les ténèbres,
Et derrière, la nuit !
L’une après l’autre les générations
Disparaissent dans les sables
Et tremblant tu interroges :
Seigneur, où mène mon chemin ?
Sur cette terre, tout désigne
Notre vie comme éphémère ;
Et si tu vas fouiller le ciel
D’un regard audacieux, tu apprends
Que les soleils meurent aussi
Et que les univers s’abîment
Dans l’océan sans fond de l’espace,
Avec leurs cohortes d’étoiles.
Et tu entends des voix crier :
Vanité des vanités,
Espace et temps ne sont –
Pour notre effroi – qu’une prison !
RÉCITATIF
Mais si sur ton chemin le doute
T’assaille, et si l’angoisse
S’empare de toi, reprends
Ton étendard et continue
Téméraire dans le désert.
Qu’importe, oui, si tu as vu
Périr mille soleils au firmament ?
Qu’importe si le Temps a fauché,
Ainsi qu’un blé doré une moisson d’étoiles ?
Ce que tu as pensé, ce que tu as aimé,
Ce que tu as rêvé, ce qui est juste et beau,
Non, le Temps ne peut le détruire :
Cette moisson-là se dérobe à lui,
Elle croît aux champs de l’éternité !
Aussi est-ce : En avant ! qu’il faut crier,
A nous la joie, la certitude :
Nous portons l’éternité dans notre cœur !
Viktor RYDBERG.
Traduit du suédois par Jean-Clarence Lambert.
Recueilli dans Anthologie de la poésie suédoise, Seuil, 1971.