Comme un jet d’eau
Comme un triste et divin jet d’eau,
Frappant un grand dôme de verre
Qui le recouvre et qui l’enserre,
Retombe, mais revient tantôt
Sans jamais atteindre la nue
Brisée en son brillant essor,
Maudissant l’exil de son sort
Et la prison restreinte et nue
Qui la retient entre ses flancs,
Mon âme retombe et palpite,
Brûlant du rêve qui l’habite,
Et pourtant revient et, s’enflant,
Remonte et puis retombe encore,
Reprenant en vain son essor
Vers l’impossible soleil d’or
Qui la fascine et qu’elle adore.
Car mon corps est un froid cachot
Où ma pauvre âme est prisonnière
Comme sous le dôme de verre
Est retenu le grand jet d’eau.
Comme le jet d’eau qui s’élance,
Toujours tombant, jamais lassé,
Brisera le dôme placé
Entre lui et son espérance,
Un jour, mon âme qui s’éperd
Brisera la chaîne fragile
Qu’est pour elle mon corps d’argile
Et, bondissant parmi l’Éther,
Emportera son rêve immense
Dans l’infini silencieux,
Embrassant son Dieu dans les cieux!
Comme le jet d’eau qui s’élance.
Hector de SAINT-DENYS GARNEAU, Œuvres,
édition critique établie par Jacques Brault et Benoît Lacroix,
Presses de l’Université de Montréal, 1971.