Lassitude

 

 

Je ne suis plus de ceux qui donnent

Mais de ceux-là qu’il faut guérir.

Et qui viendra dans ma misère ?

Qui aura le courage d’entrer dans cette vie à moitié morte ?

Qui me verra sous tant de cendres,

Et soufflera, et ranimera l’étincelle ?

Et m’emportera de moi-même,

Jusqu’au loin, ah ! au loin, loin !

Qui m’entendra, qui suis sans voix

Maintenant dans cette attente ?

Quelle main de femme posera sur mon front

Cette douceur qui nous endort ?

Quels yeux de femme au fond des miens,

au fond de mes yeux obscurcis,

Voudront aller, fiers et profonds,

Pourront passer sans se souiller,

Quels yeux de femme et de bonté

Voudront descendre en ce réduit

Et recueillir, et ranimer

et ressaisir et retenir

Cette étincelle à peine là ?

Quelle voix pourra retentir,

quelle voix de miséricorde

voix claire, avec la transparence du cristal

Et la chaleur de la tendresse,

Pour me réveiller à l’amour, me rendre à la bonté,

m’éveiller à la présence de Dieu dans l’univers ?

Quelle voix pourra se glisser, très doucement, sans me briser, dans mon silence intérieur ?

 

 

 

Hector de SAINT-DENYS GARNEAU, Œuvres,

édition critique établie par Jacques Brault et Benoît Lacroix,

Presses de l’Université de Montréal, 1971.

 

 

 

 

 

 

 

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