Pauvre âme

 

 

Pauvre âme faible et triste et lasse de la vie

Qui ne crois qu’en la mort et ne crois qu’au destin

Et qui ne vois pas l’Être infini qui le tient,

Ignorant l’espérance et n’ayant que l’envie.

 

Pauvre âme triste, dis, où mène ton chemin ?

Et lorsque tu seras avant demain, flétrie,

Tu mèneras tes pas, devers quelle patrie ?

Et, lasse, à quel ami donneras-tu la main ?

 

Pauvre âme triste, un jour le cœur se stérilise

Et l’on n’a même plus de rêves à bercer!

Et lorsque ce jour vient, trop tard on réalise

 

Que tout ce qu’on aime n’est rien, que le Passé

Se meurt au Souvenir ; et l’on voudrait, lassé,

Croire pour s’en aller prier dans une Église.

 

 

 

Hector de SAINT-DENYS GARNEAU, Œuvres,

édition critique établie par Jacques Brault et Benoît Lacroix,

Presses de l’Université de Montréal, 1971.