Première communion
Blanche, si blanche était leur âme,
Et leurs yeux si noirs et si bleus,
Que nous pleurions avec les femmes...
Blanche, plus blanche était leur âme
Que la neige du ciel qui pleut.
Pure, si pure était leur âme
Que vint visiter le bon Dieu,
Et leurs regards si radieux.
Que sans le vouloir nous pleurâmes...
Pure, si pure était leur âme
Qui souriait dans leurs grands yeux.
Douce, si douce et si tremblante
Était cette voix qui chantait,
Et si pur l’encens qui montait,
Et cette blancheur si troublante,
Et le silence qui se tait
Avait une saveur si lente,
Si suave, tout à la fois,
Et si vibrante, et cette voix
Était tellement douce et tendre,
Que nous pensions un peu entendre
Un concert d’anges dans les cieux,
En extase, délicieux.
L’encens était si parfumé,
Et cette blancheur si troublante
Pour nous qui nous sommes souillés
À la vie impure et brûlante,
Que, doucement agenouillés,
Nous avions, dans nos yeux mouillés,
De ces larmes qui nous consolent ;
Et nos yeux, comme une boussole,
Suivaient ces chers, ces jeunes pas
Nous montrant le chemin qui va
Vers le Sauveur divin des âmes.
Pure, si pure était leur âme
Et leurs yeux si noirs et si bleus
Et si pleins du reflet des cieux
Que sans le vouloir, nous pleurâmes...
Hector de SAINT-DENYS GARNEAU, Œuvres,
édition critique établie par Jacques Brault et Benoît Lacroix,
Presses de l’Université de Montréal, 1971.