L’enfant aveugle
On dit que le soleil est beau,
Et que les fleurs vers le ruisseau
S’inclinent avec tant de grâce ;
Que l’oiseau qui chante si bien,
Et que l’insecte aérien
Volent éclatants dans l’espace ;
On dit que la nuit dans les cieux
Brillent des feux mystérieux
Qu’on nomme du doux nom d’étoiles,
Et que sur la mer, dont les flots
Sont tristes comme des sanglots,
Glissent des nefs aux blanches voiles ;
On dit que le parfum des fleurs
Est moins vague que les couleurs
Qui rayonnent sur leurs pétales ;
Que les vallons et les coteaux,
Les montagnes, les prés, les eaux,
Les bois, les aubes virginales,
Ont des attraits si purs, si doux,
Qu’il faut tomber à deux genoux
Devant tant de magnificence.
Mais, moi, je ne regrette pas,
Ni la mer que j’entends là-bas.
Ni des fleurs l’odorante essence,
Ni les cieux, ni le doux soleil,
Ni les bois, ni le fruit vermeil,
Ni les oiseaux, ni la lumière...
Non, de tous les biens d’ici-bas,
Dieu ! je ne voudrais, hélas !
Que le bonheur de voir ma mère !
Mlle de SASSERNO.
Recueilli dans Femmes-poètes de la France,
anthologie par H. Blanvalet, 1856.