Invocation

 

 

Chaste étoile des mers, radieuse patronne

        Des pauvres matelots ;

Toi qui, par un sourire, ô céleste madone !

        Fais apaiser les flots ;

Entends les mille voix qui montent de la plage

        Vers le ciel, ton séjour ;

Sauve ce frêle esquif des fureurs de l’orage ;

        Rends-le à notre amour !

Les cieux au loin sont noirs, et la mer est houleuse ;

        Le vent glacé du nord

Fait hérisser les flots ; sur la plaine brumeuse

        Court un frisson de mort.

Et là-bas, sur les eaux, dans cet horizon sombre

        Par les vents ballotté,

Comme un point qui se perd et s’éclipse dans l’ombre.

        Seul dans l’immensité,

Vois ce faible vaisseau ! Le vent a de ses voiles

        Dispersé les lambeaux.

Sous tes pieds, ô Marie ! allume les étoiles,

        Des cieux divins flambeaux.

Calme, calme les mers, rends ces fils à leurs mères,

        Tu vis mourir le tien ;

Tu sais si leur douleur a des larmes amères,

        Vierge, ô notre soutien !

Mère des affligés, toi qui sais comme on pleure,

        Pitié, pitié de nous !

Les mers vont se calmer, si ton regard effleure

        Les vagues en courroux.

 

Et déjà sur les flots une brise plus douce

        Courait comme un baiser ;

Et les brouillards fuyaient sous la main qui les pousse.

        Tout semblait s’apaiser,

Et le vaisseau, semblable à la biche blessée

        Qui se lève à demi,

Soulevait sur les flots sa quille balancée

        Et son mât raffermi.

Et l’on voyait au loin le tremblant équipage

        Lever les bras au ciel,

Et leurs chants apportaient à l’écho du rivage

        Le nom de l’Éternel ;

Taudis que, sur le bord, d’une voix solennelle

        Les mères font le vœu

De porter leurs voix d’or à la sainte chapelle

        De la mère de Dieu.

 

 

 

Mlle de SASSERNO.

 

Recueilli dans Femmes-poètes de la France,

anthologie par H. Blanvalet, 1856.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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