À un oiseau des bois
Joyeux petit oiseau,
Ta magique cadence
Dans le sombre silence
Brille comme un flambeau.
Quand les fleurs sont écloses
Et les beaux jours venus,
Tu ne te souviens plus
Des mois froids et moroses.
Ton cœur riant et gai
Se réjouit de vivre,
Et le bonheur t’enivre
Dans les parfums de mai.
Beau messager des deux,
Musicien et mystère.
Tu vois de la lumière
Qui se cache à mes yeux.
Ton oreille entend bien
La céleste musique,
Le doux chant séraphique
Plus tendre que le tien.
Ermite harmonieux,
Ton âme est confiante,
Ta foi ferme et fervente
En la bonté de Dieu.
Sans nef et sans autel
Est le bois solitaire ;
Mais ta voix monte au ciel
De l’arbre séculaire ;
Et par ton chant divin,
Comme un ancien prophète,
Tu deviens l’interprète
Du silence serein.
Je voudrais comme toi
Connaître l’espérance
Et la parfaite foi
De la sainte innocence.
Je voudrais accueillir
Le malheur sans me plaindre,
L’avenir sans rien craindre,
Sans jamais défaillir.
Mais trop triste est mon cœur ;
La douleur m’environne
Et l’espoir m’abandonne
Dans ce monde moqueur.
Je ne puis oublier
Les chagrins, les tristesses
Et les lâches faiblesses
Pour chanter et prier.
Dans les lueurs funèbres
Je cherche mon chemin,
Et d’un pas incertain
J’erre dans les ténèbres.
Aide-moi, bel oiseau,
À monter vers les cimes
Où les songes sublimes
Nous arrivent d’en haut,
À laisser tout fardeau
De douleur et de doute.
Pour m’ouvrir une route
Vers le bien et le beau.
Charles Edward SAUNDERS,
Essais et vers, Éditions du Mercure, 1928.