À Jeanne d’Arc
Jeune fille aux yeux doux, qui jadis, enflammant
La bravoure et la foi du soldat défaillant,
Rallumiez les beaux feux de la sainte espérance,
Et chassiez l’ennemi hors du terrain de France,
Céleste inspiratrice, ange fidèle et pur,
Vous ne mourrez jamais, mais là-haut dans l’azur
Des rêves immortels de la patrie aimante,
Toujours vous planerez indomptable et vivante.
Nous relisons l’histoire et nous voyons l’éclat
D’un courage hardi dans vos sanglants combats ;
Mais la tendresse aussi de votre cœur de femme
Accompagnait toujours la brillante oriflamme.
La guerre d’autrefois nous semble maintenant
Un songe monstrueux, un cauchemar navrant.
L’ambition sans borne est indigne et honteuse
Et la liberté seule est grande et glorieuse.
Nous ne regrettons plus vos triomphes si beaux,
Car l’âme de la France était sous vos drapeaux.
Mais nous nous étonnons que la haine et la rage
Puissent changer un peuple en un monstre sauvage,
Que la pureté même et vos si grands malheurs
Ne vous aient pas valu l’appui des braves cœurs,
Et que soldat, civil, avocat, prêtre et juge
S’unissent pour nier tout asile ou refuge.
Oh ! tristes et honteux, nous demandons pardon
D’avoir pris notre part dans cette trahison,
Et, mus par l’orgueil seul et la soif de vengeance,
D’avoir tout oublié, jusqu’à votre innocence.
Mais les temps sont changés : toute la haine a fui ;
Les ennemis d’antan sont frères aujourd’hui.
Votre cause est la nôtre ; à maints champs de bataille
Où grondait le canon, où pleuvait la mitraille,
Nos régiments ensemble et rang suivi de rang
Dans la mort glorieuse ont confondu leur sang.
Oh ! n’avons-nous donc pas par notre sacrifice
Racheté le pardon, satisfait la justice ?
Autrefois vous disiez, cœur doux et généreux :
« J’aime bien les Anglais quand ils restent chez eux. »
Mais depuis que nos fils, une armée innombrable,
Ont fait preuve pour vous d’une ardeur indomptable
Et qu’ils ont su mourir en fidèles amis,
N’est-ce pas votre voix que j’entends et qui dit :
« Je vous aime partout, après tant de souffrance.
Et je chéris vos morts qui reposent en France » ?
Charles Edward SAUNDERS,
Essais et vers, Éditions du Mercure, 1928.