Le lied du jeune Werner

 

 

 

La vie est odieusement ainsi faite qu’auprès des roses se trouvent les épines et qu’un pauvre cœur a beau soupirer et aimer, il faut qu’en fin de compte arrive la séparation. Un jour j’ai lu dans tes yeux et j’y ai vu briller une vision d’amour et de bonheur. Dieu te garde ! C’eut été trop beau. Dieu te garde ! Il ne devait pas en être ainsi.

J’ai été en proie à la souffrance, à l’envie et à la haine, pèlerin lassé, éprouvé par les orages, j’avais rêvé la paix et le repos et mon chemin m’a conduit vers toi. Auprès de toi mes douleurs auraient trouvé un remède et je t’aurais consacré toute la jeunesse de ma vie. Dieu te garde ! C’eut été trop beau. Dieu te garde ! Il n’en devait pas être ainsi.

Les nuages fuient ; le vent souffle à travers le feuillage, une nuée de pluie passe par les bois et les champs. C’est le temps qui convient pour prendre congé. Comme le ciel le monde m’offre un aspect sombre. Mais que ma destinée me conduise au bonheur ou au malheur, ô svelte jeune fille, ma pensée te restera fidèle. Dieu te garde ! C’eut été trop beau ! Il n’en devait pas être ainsi.

 

 

 

Victor von SCHEFFEL,

Le trompette de Soekkingen.

 

Recueilli dans Les Grands Auteurs
de toutes les littératures
,

Nouvelle Bibliothèque populaire,

dirigée par Henri Gautier.