Liberté

 

 

Ô Liberté, Liberté ! surgie du sein de Dieu,

Bonheur suprême de tous les êtres,

Riche de délices innombrables,

Tu rends les hommes égaux aux dieux.

 

Où te trouverai-je, où est ta vaste salle

Où je veux me prosterner en t’adorant,

Puis heureux éternellement, et libre éternellement,

Être un prêtre de ton temple.

 

Jadis tu aimais tant marcher dans les bois sacrés d’Allemagne

Et te faire inonder de la lueur de lune,

Et sous les temples de Wotan était dressé

Ton autel le plus inviolé.

 

Hermann se réchauffait au soleil de ta gloire,

Sa lance était posée contre ton chêne,

Et tu pressais avec un plaisir maternel

Les Allemands contre ton sein.

 

Bientôt pourtant des princes ont chassé ta paix,

Et des prêtres, si contents de forger des chaînes ;

Toi, tu as détourné ton regard

On ne te trouve pas, où se traînent des fers.

 

Tu es partie alors chez les Suisses, les Anglais,

Moins souvent dans les palais que dans les chaumières ;

Tu t’es dressé aussi une tente légère

Dans le monde nouveau découvert par Colomb.

 

Puis, à l’étonnement de tous les peuples,

Et comme par l’humeur aussi d’une déesse,

Tu as tourné ton visage radieux

Vers la Gaule et son peuple joyeux.

 

 

 

Christian Friedrich Daniel SCHUBART.

 

Recueilli dans Anthologie bilingue

de la poésie allemande,

Gallimard, 1993.