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La jeune fille


Te voilà, belle enfant, fleur d’avril, primevère,
Jeune fille marchant à l’ombre de ta mère,
Coquette en robe rose, en frais atours pimpants :
            La candeur au visage,
            La parure au corsage,
            Tu portes le plumage
            Des cygnes et des paons.

Ton front est pur, ton rire est franc et ton pied leste,
Tu viens sur terre ainsi que la neige céleste,
Qui, pour nous éblouir et pour tourbillonner,
            Descend, chaste symbole,
            Blanche, légère et folle,
            Et toujours danse et vole.
            Et vient papillonner.

Ô reine de beauté, ta grandeur est suprême ;
Dieu même a sur ton front posé le diadème,
Écrit ton droit divin au fond de ton oeil bleu !
            Qu’une autre souveraine
            Ait le manteau qui traîne !...
            Vraiment toi seule es reine
            Par la grâce de Dieu.

Aussi comme l’on suit ta tunique de crêpe,
Reine à la taille fine, au corselet de guêpe ;
Que de jeunes flatteurs aux propos séduisants !
            La foule t’environne ;
            La beauté vaut le trône,
            Et pour chaque couronne
            Il est des courtisans.

La vie est un spectacle où tu viens curieuse :
Sera-t-il beau pour toi ?... L’illusion joyeuse,
Comme une toile d’or, te le cache gaîment.
            Sois heureuse à son ombre,
            Fais des rêves sans nombre ;
            Hélas ! le drame est sombre,
            Mais le rideau charmant !

Va, jouis, cours au bal ; la jeunesse qui passe
D'un livre monotone est la belle préface.
Mêle-toi plus légère au quadrille mouvant
            Que l’oiseau sur la branche,
            Ou l’épi qui se penche,
            Ou bien la plume blanche
            Que fait danser le vent.

Mais quand revient le jour, plus grave et moins coquette,
Prends dans ta fine main le pinceau, la palette,
Le livre où la pensée a laissé son rayon ;
            Que ton clavier s’éveille ;
            Travailleuse vermeille,
            Au logis sois abeille,
            Au bal sois papillon.

Un démon parle bas aux filles inactives ;
La coeur est occupé quand les mains sont oisives.
Le secret du bonheur et des vertus souvent,
            Vois-tu bien, ma charmante,
            Toujours vive et contente,
            C’est une âme ignorante,
            C’est un esprit savant.

Mais te voilà rêvant… La jeunesse fleurie
Fait chanter dans le coeur la douce rêverie
Et les songes d’amour aux ramages nouveaux,
            Comme un printemps qui passe,
            Rose et vert dans l’espace,
            Devant sa jeune grâce
            Fait chanter les oiseaux.

Tu rêves quelque amant de drame ou de ballade,
Avec le rossignol donnant la sérénade ;
Et tu vas composant des chapitres entiers,
            Des scènes où tu brilles,
            Des serments aux quadrilles :
            Toutes ces jeunes filles
            Sont de grands romanciers !

Bientôt ton idéal apparaît et soupire :
Devant vos dix-sept ans, filles au doux sourire,
Toujours quelque amoureux gazouille avec amour ;
            Comme sous la feuillée
            L’alouette éveillée,
            Joyeuse, émerveillée,
            Chante au lever du jour.

Et ton premier amour éclôt dans ta jeune âme,
Chaste comme la neige, ardent comme la flamme ;
Et tu vois au travers le monde plus vermeil :
            L’arbre a plus de verdure,
            La fleur plus de parure :
            Pour peindre la nature
            L’amour vaut le soleil.

Mais ta mère est pensive, et, sublime jalouse,
Songe que son enfant, bientôt nouvelle épouse,
Va changer de maison, de tendresse et d’appui.
Dans son vivant logis, tout plein de ton ramage,
Tu chantes comme fait le pinson dans la cage,
            Mais pour t’envoler comme lui.

À ton beau fiancé ne rêve pas sans cesse.
Elle t’admire aussi dans une folle ivresse ;
Car les yeux d’une mère ont des regards d’amant.
On aime tant la grâce et la beauté qu’on donne !
Raphaël était fier en voyant la madone
            Dont il peignit le front charmant.

Tu lui dois ton éclat, ta foi douce et candide,
Et la vertu cachée, et la beauté splendide,
La fleur et le parfum, tout ce qu’on aime en toi.
Elle t’a fait passer son âme par magie ;
Elle a sur ton grain d’or posé son effigie,
            Et t’a dit : Sois un double-moi.

Hâte-toi bien d’aimer, de regarder, d’entendre
Ton père grave et bon, ta mère faible et tendre.
L’automne effeuillera tes beaux jours éclatants :
Alors seront-ils là, ces deux amis fidèles ?
Peut-être doivent-ils, comme les hirondelles,
            Partir à la fin du printemps !

Va, c’est beau, dix-sept ans !... La jeunesse brillante,
C’est le premier amour, la grâce souriante,
Le baiser maternel, le bras pour s’appuyer.
Ce n’est pas seulement la fraîcheur et l’aurore,
Et toute la beauté sur le front ; c’est encore
            Toute la famille au foyer.



Anaïs SÉGALAS.

 

 

 

 

 

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