Aube marine

 

 

C’est l’aube ! Dans les airs une brume éthérée

Flotte. L’instant paisible est divin de fraîcheur.

L’heure tombant du ciel a fait la mer nacrée.

 

Une voile, là-bas, érige sa blancheur ;

Et plus près, dans l’eau calme, avant la marée haute,

Ajustant son filet, se profile un pêcheur.

 

Comme son geste est sage ! Il n’est pas l’argonaute

Qui va chercher fortune à l’horizon lointain :

Il sait bien que sa vie est là, près de la côte.

 

Et lorsque son filet sera lourd de butin,

Il montera, paisible, avec le flux qui monte,

Lui, le seul compagnon de la mer au matin.

 

Mais, de sa tâche belle, il ne se rend pas compte,

Lui, le fruste pêcheur dont l’âme est sœur du flot,

Dont le bras sur la mer fait le geste qui dompte.

 

Son rustique profil s’harmonise au tableau,

Et la grave beauté de sa marche tranquille,

Que le sable a fait souple, a le rythme de l’eau.

 

Héros obscur, transfiguré par l’Évangile,

Je te trouve si grand devant l’immensité

Que le regret me vient d’être un enfant des villes.

 

Car je sens que ton âme, en sa rusticité,

De cette mer farouche et que j’aime est plus proche

Que le cœur compliqué que me fit la cité.

 

... L’heure de l’angélus descend des voix des cloches,

La mer divine monte, elle chante ! elle est là

Qui d’un baiser d’argent couvre le pied des roches.

 

Oh ! ma soif de chanter, la mer, étanche-Ia !

Et que ton flot tumultueux m’en désaltère :

Près de la grande voix mon cantique est si plat !

 

Peuple de tes clameurs mon rêve solitaire,

Que ton écume insulte à mon front de chercheur

Dont l’orgueil curieux profane ton mystère,

 

Et que je te comprenne aussi bien qu’un pêcheur.

 

 

 

Hélène SEGUIN.

 

Paru dans Les Annales politiques

et littéraires en 1908.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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