Cavalier
Mon cœur, – oh ! mon cœur ? – l’entends-tu passer,
Ce beau cavalier qui vient du passé !
Tout tremble au galop de son blanc cheval...
Mon âme ! Il accourt à travers le val !...
Ce beau cavalier, ce fort cavalier,
Il porte l’épée et le bouclier...
Il a le front noir sous un masque d’or,
Ce beau cavalier qui nargue la mort...
Ô mon cœur, mon cœur ! – te rappelles-tu
Comme il bataillait, tout de fer vêtu !...
Comme sous des rocs d’épouvantement,
Il gardait ses yeux de dur diamant !
Et comme, n’ayant pour tout compagnons
Que le clair courage et que le guignon,
Il allait, sans peur et sans peine, droit,
Très pauvre pourtant, mais fier comme un roi...
Ô mon cœur, mon cœur, l’entends-tu passer,
Ce beau cavalier qui vient du Passé !
Il a ton visage amer et moqueur,
Il a ta vaillance, il a ta langueur...
Les gens qui le voient, les gens qui, des seuils,
L’aperçoivent, crient que voici le Deuil,
Que voici la Peste et le Navrement
Et la Nostalgie au regard dément !...
Et pourtant, mon Dieu, vous devez savoir
Quel bon désespoir est son désespoir !
Et vous connaissez, Seigneur, ce qui luit
De secret soleil sous cet air de nuit !...
Ah ! doux cavalier ! Cavalier serré
Dans du fer, hélas ! mais mal cuirassé,
Où t’en vas-tu donc, Songe d’autrefois !
Vieux spectre des jours de gloire et de foi ?...
Mon cœur, – oh ! mon cœur ! – l’entends-tu passer,
Ce grand cavalier qui vient du Passé !
SAINT-GEORGES DE BOUHÉLIER,
La Romance de l’Homme.