Rédemption

 

 

La maison humble avec ses fenêtres fermées...

Dans les rideaux la lampe a l’air d’une fumée...

Vieille maison, maison qui tremble comme si

Palpitait dans son cœur un étrange souci...

Pauvre maison que veille un tilleul dans la rue.

Un tilleul dépouillé d’automne, branches nues,

Étirant dans la paix lamentable du soir

Le froid décharnement de son squelette noir...

Cette maison tapie au fond de ses ténèbres

Semble avoir peur d’on ne sait quoi de très funèbre...

Et le toit qui grelotte a l’air lourd d’un fardeau

De péchés, le voici qui plie un triste dos,

Chargé d’humilité pacifique et de peine !...

Et de pâles remords par les carreaux se traînent,

Et le vieux bec de gaz fouille l’ombre et la mort

Et l’on dirait une veilleuse pour un mort...

Et déjà, je me mets à frissonner, la boue

Du trottoir se répand en crachats sur ma joue...

Le tilleul tremble auprès de la porte couleur

De rose, et la clé bleue y luit comme une fleur...

Là-haut, la cheminée exhale vers les anges

Sa prière, – vapeur légère ! – et c’est étrange,

Ce soupir gris qui va vers de doux séraphins !...

On dirait qu’elle attend, cette maison, qu’enfin,

De la grotte nocturne où dorment tant d’étoiles,

Descende le Sauveur cachant sous de la toile

Misérable et de blancs haillons de vagabond,

La lumière, – cadeau divin de son pardon !

 

 

 

SAINT-GEORGES DE BOUHÉLIER,

La Romance de l’Homme.