Tous les rires d’enfant
ont les mêmes dents blanches
Tous les rires d’enfant ont les mêmes dents blanches
Comme les rossignols dans les plus hautes branches,
Les moineaux dans les trous du mur,
Au rebord des longs toits comme les hirondelles
Leur céleste gaîté s’envole à tire-d’aile
Avec un son serein et pur.
Nul n’est favorisé dans l’immense partage :
Richesse et pauvreté n’y font pas davantage ;
Le rire, ce grand niveleur,
Sur tous les fronts répand la joie égalitaire,
Et c’est comme un écho qui fait vibrer la terre,
Et viendrait d’un monde meilleur.
Innocence, clarté ! leur âme est une aurore
Que la vie en passant n’a pas troublée encore
Dans son épanouissement ;
Et, doux chanteurs des nids plus étroits ou plus frêles,
Les plus humbles, avec leurs petites voix grêles,
Ont le plus frais gazouillement.
Ainsi plus tard, aux jours que l’épreuve dévore,
On trouve des vieillards dont la lèvre incolore
Recèle un sourire ingénu.
Leurs tranquilles regards sont remplis de lumière :
On dirait un reflet de leur aube première,
Un rayon d’avril revenu !
On sent en leur parole une indulgence exquise,
Et la suavité de la paix reconquise
Ennoblit leur sainte candeur.
Enfant pur, aïeul blanc, devant eux on s’incline ;
Qui les voit, fleur naïve ou tremblante ruine,
Révère la même splendeur.
Car la vieillesse touche au ciel comme l’enfance.
L’une y retourne, et l’autre en vient. La morne offense
Des ans et du malheur s’enfuit.
Le coucher du soleil à son lever ressemble,
Et, diamants tous deux, souvent roulent ensemble
Les pleurs de l’aube et de la nuit.
Louisa SIEFERT, Les Stoïques.