Elle crie pour un baiser

de sa bouche

 

 

Ô qu’il me baise d’un baiser de sa bouche,

Qu’il m’abreuve du fleuve de ses seins,

Car ils sont meilleurs que vin,

              Et sa bouche

              Dans l’instant

Sait emplir de joies une âme.

 

Amour, hélas, comme mort est sévère ;

Ô, qu’il m’embrasse le cher Dieu d’amour,

Car mon cœur n’est que flamme et feu,

              Et se languit et se sèche

              Et soupire et gémit,

Et la vie touche à sa fin.

 

Où est son esprit, la douce rosée céleste ?

Qu’il fasse donc fraîchir la prairie de mon cœur.

Ou bien prenne complètement

              Mon esprit

              Qui déjà le plus souvent

S’est en lui perdu.

 

Ô Jésus, si vraiment je te suis familière,

Viens donc ici embrasser ta fiancée,

Car c’est ton baiser, lui seul,

              Que mon cœur

              Avec douleur

Cherche plus qu’or et pierre précieuse.

 

 

 

Angelus SILESIUS.

 

Recueilli dans Anthologie bilingue

de la poésie allemande,

Gallimard, 1993.