Encore un moulin
Le temps
Des moulins à vent
Est chose du passé
Mais j’ai conservé
Le mien qu’un souffle mystérieux
Anime et même les dieux
N’ont pas pouvoir sur mon moulin
Qui tourne chaque matin
Tant qu’il se soumettra à mes mains
Il tournera mon moulin
Par les doux vents
Qui l’animent de leurs chants
Et grâce à moi
Il continue de tourner
Étant son roi
je peux lui commander
Il est mon sujet
Il m’obéit comme un valet
Mais pour être obéissant
Il lui faut le vent
Seul dans la verte campagne
Loin des bagnes
Comme un insolite
Ses grands bras il agite
Il est le seul ainsi
Le seul en survie
Le seul qui continue de tourner
Qui continue de travailler
Même si j’ai grand soin
De mon moulin
Il pourrait bien un jour s’arrêter
Et cesser de tourner
Parce qu’un autre jeune seigneur
La jalousie dans son cœur
Serait venu pour l’emporter
Ou le démolir, le délabrer
Alors sans mon moulin
Ce serait ma fin
Car je ne tendrais pas la main
Moi le roi maintenant sans royaume
Pour demander l’aumône
Chaque matin
Vraiment un roi ruiné
Ne pourrait se permettre de quêter
De plus jamais je ne serais capable
D’en trouver un autre semblable
Mon moulin était unique
Comme un as de pique
Je préférerais quitter la vie
Pour le Paradis
Où mon bonheur serait au comble
Et meilleur qu’en ce bas monde.
André SIMARD.
Paru dans Crescendo,
Union canadienne des jeunes écrivains,
Éditions Nocturne, 1963.