À la Nuit
Ô reine de la mort qui déroules tes voiles
Endeuillés, où parfois scintillent des étoiles,
Toi qui luis si profonde en ton immensité,
Salut ! sombre mystère, éternelle beauté !
Quels secrets caches-tu, Nuit, sous ton ombre épaisse,
Sous tes voûtes sans fin bannissant l’allégresse ?
Plus loin que l’infini, plus loin, plus loin encor,
Peut-être est la lumière, ou peut-être la mort
Peut-être est le bonheur, peut-être la souffrance ;
Tes secrets sont cachés. Nous avons l’Espérance,
Car Espérer c’est tout le bonheur d’ici-bas !
Comment donc être heureux si l’on n’espère pas ?
Dans le ciel assombri dès qu’arrive ton heure,
Qui sait si, par delà ton dôme ténébreux,
Par delà tes soleils, tes astres lumineux,
Il n’est pas, tout là-bas, d’existence meilleure !
Et pourquoi ta beauté n’éclate-t-elle pas
Radieuse, en son fond auréolé d’étoiles,
En sa gaze incolore, en ses merveilleux voiles
Tissés de perles d’or, de beauté, de trépas ?
Le soir est ton matin, l’aube, ton crépuscule,
Et le soleil couchant, qui décline et qui brûle,
Fuit devant les éclats de ton astre argenté,
Les soirs tristes d’hiver, et les beaux soirs d’été.
La lune qui ruisselle ainsi qu’une parure,
Ainsi qu’un bijou d’or dans une chevelure,
À ton front sombre, immense et plein de gravité,
Semble un cercle, brillant dans l’immortalité.
Que mon œil te contemple et mon cœur te révère,
Ô toi dont la beauté merveilleuse et sévère,
Au charme toujours pur et toujours rajeuni,
Se rapporte à ce rêve inconnu, « l’Infini ».
Marie-Louise SIMARD.
Paru dans Fleurs d’or en 1914.