Près d’une église de village
Chargée du pollen des fleurs entrouvertes,
La tribu des vents de minuit
Porte en cette poudre enveloppée d’ombre
Le germe des fleurs à venir.
En son labeur secret, silencieux,
Invisible aux regards humains,
La vie alentour lance à pleines mains
Ses mille semences vivaces.
Fondant parmi la foison des tombeaux,
Sur les armoires vermoulues,
Sur le cimetière elles se propagent,
Auprès des croix, sur les croix mêmes.
Partout des fleurs, des myriades de fleurs !
Parmi cette marée il semble
Que ce soient les âmes mortes qui tentent
D’écarter leur fardeau de pierre,
Espérant enfin baigner leur tristesse
Aux feux du soleil de printemps,
Parachever leurs rêves impossibles,
Et découvrir enfin l’amour.
Konstantin Konstantinovitch SLOUTCHEVSKI.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires de Jacques David,
Stock, 1947.