... Aux cailloux
Pierres, pierres soyez joyeuses ce matin,
Sœurettes grises,
Voyez le grand ciel qui vous peint
Avec la mûre et la cerise !
Cailloux aigus, prompts à surgir,
Sentez le pinceau bleu du beau temps vous rougir
De fines touches éternelles...
Soyez contents, brimborions
Du corps du monde,
Grains de montagne en qui s’incrustent les rayons,
Qui rendent, pour un jour, la verte olive blonde.
Béatement,
Sur la pente de la colline,
Pierres, réchauffez-vous dès l’aurore en aimant ;
Sœurs des cailloux de Palestine,
Petites, devenez la suave chaleur
Offerte à toutes créatures,
Tendres ou dures...
Pierres en qui je vois les battements d’un cœur,
Sœurettes nues,
À l’abandon sur le chemin
Du pèlerin,
Ah ! ne vous sentez plus errantes ni perdues.
Dans la muette éternité !
Parcelles de ses belles frises,
Vous voici prises
Dans la tendresse de l’été,
Pierres chaudes autant qu’un blanc nid de colombe...
Roulantes filles du ravin,
Tant d’amour tombe
Du haut soleil, volcan divin,
Sur vous, si pures et hardies,
Ses étincelles refroidies.
Marie de SORMIOU,
La joie aux pieds nus,
Publiroc, 1936.