Sermon aux oiseaux
François
Mes frères les oiseaux, chantez laudes à Dieu
Qui vous fit un palais tout céleste, en air bleu !
À matines priez, échappés des feuillages,
Rois joyeux d’un empire où d’être libre est sage
Et d’où l’on considère avec hauteur le sol...
Luthier des belles nuits, lyrique rossignol,
Bergeronnette svelte et toute gracieuse,
Rouge gorge orgueilleux, fauvette ensorceleuse,
Pinson qui vocalise un lais de Paradis,
Chantez alleluia dans ces temples hardis
Où vous vous plaisez tant à faire des voyages
Par-dessus la montagne et les errants nuages...
À Dieu dites merci pour la vaste maison
De cristal et d’azur aux seuls murs d’horizon !
Les oiseaux
Frère des routes, par mégarde
Serais-tu l’ange
Qui de l’épervier sauve et garde
Merle et mésange ?
Capuchon brun, roucoulant comme
La tourterelle,
Frère François, quoique lourd homme,
As-tu des ailes ?
François
Gais oiseaux ne semant ni ne moissonnant l’or,
Louez celui qui donne aux moineaux plus encor
Qu’aux princes, ces amis de dame Prévoyance.
Voleurs heureux volant les sillons d’abondance
Et qui dansez toujours après le mauvais temps,
Mouillés, ébouriffés, tout ronds et tout contents,
Louez l’Ensemenceur vous pourvoyant de graines
Jours fériés ou non, dimanches et carêmes !
Fins sansonnets perchant sur l’auge où vous trouvez
Par le gel et le chaud, le grain de sénevé ;
Émigrante hirondelle, et qui fuis le rivage
Sans provendes au bec et sans greniers pour gages,
Étourneaux babillards qui ne prévoyez rien,
Louez le grand Semeur du pain quotidien !
Les oiseaux
Comme le miroir ensorcèle
Sœur alouette,
Ainsi ta voix qui tant nous fête,
Fascine l’aile...
François
Oiseaux ! chantez Celui qui donne en vêtement
La plume tendre au corps si fastueusement ;
Bien aimés du bon Dieu, gazouillez d’allégresse
D’un plumage tissé de divine tendresse.
Et soyez célébrés pour l’insigne faveur
Qu’en créant votre vol nous fit le Créateur.
Révélant par votre aile, oiseaux, la joie ailée
À l’âme qui prend gîte au fond de la vallée,
Le Seigneur nous convie au plus altier des sorts...
– À notre cœur ainsi Dieu désigne l’essor.
Les oiseaux
Frère aux pieds nus, as-tu la gorge
De la colombe ?
Recherches-tu le mil et l’orge
Qui du ciel tombe ?
Grand Saint François qui tant ramages,
Capuche brune,
Aurais-tu nid sous le bocage
Des clairs de lune ?
François
Allez ! ravis des cieux ! volez aux quatre vents !
Je vous bénis... Allez ! excelsiors vivants !
Volez vous divertir dans le pays solaire...
Et, franchissant de haut les lointaines frontières,
Jetez à l’idolâtre un grain de nos labours.
Évangéliquement portez le blé d’amour
Aux frimas de Norvège, à l’oasis d’Afrique,
À l’aride Ibérie, au songe Asiatique,
Allez ! les uns au Sud, d’autres à l’Orient,
D’autres devers la neige ou le rouge Ponant ;
Je vous bénis, petits... Allez ! suivez la trace
Que la main de François élève sur l’espace :
En plein azur, oiseaux, par quatre chemins droits,
Tracez le signe de la Croix.
Marie de SORMIOU,
La joie aux pieds nus,
Publiroc, 1936.