Ils dorment

 

 

Quand la lutte à peine est finie

Et que, les yeux à demi clos,

Des angoisses de l’agonie

Les morts entrent dans le repos,

 

Qu’ils sont beaux... En la première heure

Ils semblent vraiment reposer ;

À la bouche qui les effleure

Leur bouche offre un tiède baiser.

 

On dirait qu’en ouvrant son aile

L’âme fugitive a laissé

Sur son enveloppe mortelle

Tomber un regard apaisé.

 

Et nous, que navraient les souffrances,

La lutte du dernier soupir,

Aux consolantes espérances

Nous sentons notre âme s’ouvrir.

 

Mais plus tard, si la main déplace

Le suaire aux funèbres plis,

Oh ! comme notre cœur se glace

Devant ces visages pâlis !

 

Seigneur, tout notre être soupire

En voyant ces morts adorés !

Pardonnez à l’homme de dire :

« Le ciel est loin, la fosse est près ! »

 

 

 

Mathilde SOUBEYRAN.

 

Paru dans Poésie, 11e volume

de l’Académie des muses santones, 1888.

 

 

 

 

 

www.biblisem.net