Vous que j’aime
plus que moi-même
Vous que j’aime plus que moi-même,
Immortel et pensif amour,
Dont le Consolateur Suprême
A fait mon jardin et ma tour,
Vous, mon pain, et vous, ma prière,
À vous que j’aimais la première,
Quand au fond de mon cœur d’enfant
Naissait le rayonnant visage
De la vierge paisible et sage
Que je garde et qui me défend,
Vous qui m’étiez prédestinée,
Vous qu’un ange tendre et savant
Dans mon cœur avait dessinée
Pour que de vous j’aille rêvant.
– Qu’il était loin votre domaine !
Princesse lointaine, lointaine ! –
Vous que je devais rencontrer
Lorsqu’après l’épuisante course
Je n’espérais plus de ma source
Entendre le doux chant secret,
Vous que je cherchai sur la route,
Quand j’interrogeais des regards
D’où ne se levait que le doute
Qui laissait mes yeux plus hagards,
– Ô vous enfin que j’ai trouvée,
Cœur de mon cœur, mieux que rêvée,
Ô beau visage qui ne ment,
Je reconnais votre présence
Dans la joie et dans le silence,
Et je vous donne mon serment.
Devant le Christ, mon Divin Maître,
Je suis responsable de vous ;
Je le suis et je le veux être,
Bien que je reçois à genoux,
Mon bien humain, chère personne,
À qui librement je me donne,
Envers qui j’engage ma foi :
Et nous irons d’un pas agile
Vers le Docteur de l’Évangile
Ayant reçu la même Loi.
À la prière de Marie,
Durant les Noces de Cana,
Pour que l’amour s’enchante et rie,
Jésus vers deux cœurs s’inclina.
Ce fut le premier des miracles.
Nous dépasserons les obstacles :
Même ici-bas Dieu veut heureux
Ceux qui savent écouter l’ange,
Lui qui sait faire que se change
L’eau pauvre en un vin généreux.
L’Hôte Divin point ne méprise
Deux cœurs s’unissant devant Lui,
Et c’est lui-même qui les grise
Du vin où Son Amour a lui.
Ô Sainte Coupe véritable !
Buvons à la divine table
Un amour si pur et si fort
Qu’il guérit et jamais ne blesse
Et verse une éternelle ivresse
Qui peut se moquer de la mort.
Mieux qu’aux époux de Galilée
Chaque jour nous fait ce bonheur.
Sœur de mon âme consolée,
Restons avec Notre-Seigneur.
Présence à tout jamais réelle,
La plus tendre voix nous appelle
Au festin qui ne finit plus
Et qui, soulevés tous les voiles
De l’Amour qui meut les étoiles,
Fait au ciel briller les Élus.
Mon cœur à votre cœur se presse.
Que Notre-Dame du Bonheur
Prenne en ses mains notre tendresse
Pour l’offrir à Notre-Seigneur.
Donnez-moi donc votre réponse
Et que votre bouche prononce,
Ô pain vivant de chaque jour,
Le verbe le plus ineffable
Que sachent l’Histoire et la Fable,
Le verbe unique de l’amour.
Jean SOULAIROL, Préludes à l'Amour,
Éditions Jean Renard.