Les enfants dans le ciel
OH ! parmi tous ces cieux que réjouit Marie,
Celui qu’elle préfère est la jeune patrie
De ce peuple d’enfants souriant et vermeil,
Dont le front eut à peine un rayon de soleil,
Qui n’ont pas adopté la terre pour demeure ;
Élus, pour qui l’exil ne dura pas une heure,
Qui sont victorieux sans avoir combattu,
Et pour qui l’innocence est plus que la vertu !
Dont le pied rose et pur n’a pas touché nos fanges,
Qui ne sont pas des saints, qui ne sont pas des anges ;
Qui n’ont pas dit : « Ma mère ! » à leurs mères en deuil
Et n’ont à leur amour demandé qu’un cercueil !...
Le fleuve y vient baigner leurs groupes triomphants ;
L’horizon s’y déroule en nuages d’enfants,
Plus beaux que tout l’éclat des vapeurs fantastiques
Dont le couchant superbe enflamme ses portiques.
Là, sous les frais rosiers ils tiennent lieu d’oiseaux,
Quand le zéphyr d’Éden balance leurs berceaux.
Souvent leur tête blonde, et charmante, et sereine
Se tourne avec orgueil du côté de la Reine :
Car la Reine est leur mère ; oui, celle que leurs yeux
En se fermant au jour ont rencontrée aux cieux.
Mais lorsque vient à vous, enfants, cette autre mère
À qui votre naissance ici-bas fut amère,
Pour que son pauvre cœur cesse d’être jaloux,
Votre front caressé s’endort sur ses genoux ;
Sous ses baisers heureux votre bouche se pose,
Votre béatitude entre ses bras repose,
Et même au paradis, rien n’est plus gracieux
Que ce tableau d’amour chaste et silencieux.
Alexandre SOUMET.
Recueilli dans L’Académie française au XIXe siècle
et la foi chrétienne, nouvelle édition, refondue
et continuée jusqu’en 1896.