Naissance de Jésus-Christ,

sa mort, sa résurrection

 

 

Entre l’homme et le ciel, jadis le Créateur

Voulut que le trépas fût seul médiateur :

Ô père des humains ! pour expier ton crime

La terre n’avait pas d’assez noble victime ;

Sensible à tes malheurs, le fils de l’Éternel

S’offrit en holocauste au courroux paternel :

« Juge de l’univers, dit-il, de l’empirée

» C’est à moi de franchir l’enceinte révérée ;

» J’irai loin des splendeurs de cet auguste lieu,

» Confier au tombeau la dépouille d’un Dieu ;

» Assurer aux mortels un avenir prospère,

» Et laver de mon sang le crime de leur père. »

Il dit : cette victime a fléchi l’Éternel.

Des prophètes bientôt, inspirés par le ciel,

De ce noble bienfait entretinrent la lyre :

« Mortels, s’écriaient-ils dans leur pieux délire,

« À naître d’une vierge un Dieu s’est abaissé.

« Sur le plus beau rameau de l’arbre de Jessé

« Brille une sainte fleur ; elle s’ouvre, elle étale

« Sa modeste blancheur, sa pourpre virginale ;

« Autour d’elle exhalé, son parfum précieux

« Doit consoler la terre et réjouir les cieux,

« Et bientôt en secret, sur sa tige pudique

« Viendra se reposer la colombe mystique. »

Chantres des anciens jours, tels les prophètes-rois

Instruisaient l’univers attentif à leur voix.

Siècles, hâtez vos pas ! aurores désirées,

Rougissez de vos feux les plaines éthérées !

Nature, avec amour enfante ton sauveur !

Mais que dis-je ? il est né : une sainte ferveur,

Ô Vierge de Sion, brûle dans vos cantiques :

Dieu n’a point démenti la voix de temps antiques ;

Une obscure retraite, abri mystérieux,

Renferme l’héritier de l’empire des cieux ;

Ses anges, descendus des voûtes éternelles,

Protègent son berceau de ses brillantes ailes,

Et sur des harpes d’or préludent à leurs chants.

Entourés de leurs vœux et de leurs soins touchants,

Et parmi les parfums dont leur essaim l’inonde

Il dort... son jeune cœur veille au salut du monde.

Du bout de l’univers, les rois obéissants

Lui portent en tribut et la myrrhe et l’encens ;

Ils viennent escortés d’un archange fidèle :

L’étoile de Jacob devant eux étincèle.

Soleil, tu t’es voilé, comme si ton flambeau

Devait céder les cieux à cet astre nouveau.

Le fils de l’Éternel, dans l’ombre et le silence,

À déjà vu s’enfuir les jours de son enfance ;

Mais celui dont la voix commande aux séraphins,

Appelle sa jeunesse à de plus grands destins.

Il marche salué de la nature entière,

Le Thabor devant lui courbe sa tête altière.

Des nuages d’encens voltigent dans les airs ;

À l’envi, sous ses pas, fleurissent les déserts :

Frappé de ses vertus, plus que de ses miracles,

Israël attentif recueille ses oracles ;

L’innocence, bannie au séjour étoilé,

Sur ce globe, à sa voix, descend le front voilé.

La paix la suit ; la paix, divinité chérie,

D’un rameau d’olivier ombrage la Syrie.

Réjouis-toi, Jacob : jusqu’au faîte des cieux,

Triomphante, Sion lève un front glorieux ;

Fiers d’augmenter encor l’éclat qui t’environne

Les anges du Seigneur ont tressé ta couronne.

Que dis-je ? ils sont passés les jours de ton orgueil,

Triste Jérusalem ! le silence, et le deuil

Demain viendront s’asseoir sur ta plage déserte :

Pour engloutir un Dieu la tombe s’est ouverte.

Pleurez, forêts ! un cèdre, orgueil du mont Liban,

Superbe, défiait l’aile de l’ouragan :

Le bûcheron approche, et la hache obstinée

Change en croix déicide une tige indignée.

Pleurez, fleurs du vallon, arbustes du coteau !

Une épine ombrageait la rive d’un ruisseau :

Pour le front du Seigneur, sous la main de l’impie,

En couronne sanglante elle s’est arrondie.

Le juste est expirant ; la haine des bourreaux,

Cruelle, industrieuse, éternise ses maux :

Du nom de roi des rois c’est en vain qu’il se nomme.

Le courage d’un Dieu cède aux douleurs de l’homme ;

Son front, qu’avec respect le Ciel vit autrefois

De nos iniquités solliciter le poids,

Sous ce fardeau terrible et s’incline et succombe.

Ô muse de Sion ! viens gémir sur sa tombe ;

Il meurt ! des Chérubins la splendeur a pâli ;

Les cieux versent des pleurs, la terre a tressailli ;

Un nuage sanglant pèse sur le Calvaire ;

De ses ailes d’airain, le vent de la colère

Ébranle en mugissant la reine des cités.

Le Golgotha s’émeut, les cèdres agités

S’enflamment, et, pareils à des torches funèbres,

Versent leurs feux mourants sous un ciel de ténèbres.

Le voile du saint lieu s’entrouvre déchiré :

De vengeance, d’orgueil et de sang enivré,

Le fier Satan sourit d’une barbare joie,

Et l’ange de la mort s’étonne de sa proie.

Dans ce moment terrible, ô mère de douleur !

Au sang royal d’un fils tu viens mêler tes pleurs.

Vierge auguste ! suspends ta plainte maternelle,

Sa mort lègue à son peuple une vie éternelle ;

Sa mort est un triomphe : immuable flambeau,

Il brillera vainqueur des ombres du tombeau.

Les temps sont accomplis : vers sa couche d’argile

Ses ardents chérubins volent d’une aile agile.

Il s’éveille, il s’élance : aux accents de sa voix

Le père des humains, les patriarches-rois,

Abandonnant leur tombe, en vapeurs éclatantes

Viennent environner ses barrières flottantes.

Des plaines de Séhir aux plus lointains déserts

En prisme lumineux rayonne l’arc des airs ;

La terre a déployé son écharpe de fête.

Enchaînée à son tour au char de sa conquête,

La mort brise son dard ; l’archange ténébreux

Cache au fond de l’abîme un front noirci de feux.

Cependant l’Homme-Dieu, dans sa splendeur première,

Franchit l’immensité des champs de la lumière ;

Il s’élève, il parcourt ces radieux chemins

Tout bordés de soleils échappés de ses mains ;

Et s’élançant du char que guidait la victoire,

Au trône paternel assied enfin sa gloire.

 

 

 

SOUMET.

 

Recueilli dans Choix de poésies

ou Recueil de morceaux propres à orner la mémoire

et à former le cœur, 1826.

 

 

 

 

 

 

 

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