Vanité des vanités
À quoi bon se ronger pour de l’or ou du bruit ?
La tombe ne voit plus briller l’or dans sa nuit ;
Tôt le bruit fait place au silence.
Ne nous morfondons pas à quêter le renom :
Et quel mortel – nous morts – redira notre nom
Au globe qu’un souffle balance ?
Chimère, illusion de croire aux lendemains :
Ils passent comme nous, et des restes humains
La fosse même est éphémère.
Nous n’avons que Là-Haut de stables monuments ;
Et Dieu seul, dans sa main pesant nos ossements,
Fixe le prix de leur poussière.
Oh ! ne désirons rien qui survive de nous
Hors les pleurs que, contrits, nous versons à genoux,
Implorant Celui qui pardonne ;
Hors les actes qu’un ange inscrit à notre avoir,
Qui laissent en notre âme un invincible espoir
Alors que tout nous abandonne !
De mon prochain départ surveillant les apprêts,
Je n’ai plus de regards pour les trompeurs attraits
De la terrestre hôtellerie ;
Ses mets en carton peint ont irrité ma faim :
J’espère trouver mieux en abordant enfin
Aux rivages de la Patrie...
Naguère un saint a dit la rude vérité :
« Vanités d’ici-bas, tout n’est que vanité ! »
Gloire, fortune sont mensonges.
De ces hochets d’un jour me préserve le sort !...
Que me faut-il à moi, lazzarone du Nord ?
Un coin au soleil et mes songes.
Comte A. de SPARRE.
Paru dans L’Année des poètes en 1897.