La source
Ô claire source que je sais
Née du sein profond de la terre !
Comme une veine de cristal,
Elle coule parmi les roses
Dans une verte clairière.
Au loin s’entend le grondement
Du torrent à la blanche écume,
Lassant de son bruit monotone
Toute la forêt alentour,
Couvrant le chant du rossignol
Et les plaintes de la colombe.
Mais la source doucement coule,
Son haleine est silencieuse
Que le ciel seul va recueillir.
Tendrement elle sourit,
Et tendre lui sourit le ciel.
Et le matin comme le soir,
Lorsqu’il a revêtu la pourpre,
Il se mire amoureusement
Dans la pureté de son eau.
Ainsi le soleil et la lune –
Ainsi la cohorte d’étoiles
À minuit reflétant ses feux
En elle et venant effleurer
En purs baisers de leurs lèvres
Son frémissement argenté.
Des cimes couronnées de cèdres
Descend un vertueux berger.
Devant le sauvage torrent
Aux flots écumant sans repos
Il a passé d’un bond léger.
Sa tête est couronnée de fleurs.
Il s’approche de la source,
L’onde virginale et naïve.
Et c’est en elle qu’il découvre
Les traits divins de son visage.
Sa rayonnante beauté
Que reflète la surface,
Elle est pourpre ainsi que la vigne.
Elle est blanche ainsi que le lait !
L’eau fraîche frémit d’amour.
Le cœur de la source tremble
Dans une ineffable joie.
Et vous qui demandez
En quel lieu coule cette source,
Quel est le berger qui s’y penche ? –
Dans les cœurs innocents
Chante cette onde claire,
Et c’est Dieu le berger.
Erik Johan STAGNELIUS.
Recueilli dans Anthologie de la poésie suédoise,
choix, traduction, introduction et notes
par Jean-Clarence Lambert, Seuil, 1971.