La vie humaine

 

 

Le chêne lutte dans l’orage des montagnes

Et dans le bois le rossignol soupire.

La mousse avec douceur recouvre le rocher,

La coquille repose en son sommeil de nacre.

À la plus haute vie, les plus hautes souffrances !

Les fils de la lumière portent la Croix du monde.

 

La rose des prairies brille dans l’herbe verte,

Du long sommeil d’hiver tirée par le zéphyr ;

Elle incline, fervente, sa corolle de pourpre,

Craintive, et souriant d’espoir, malgré ses larmes.

Ô frêle fleur, si tu savais ! Ta joue

Pâlirait et tes larmes seraient de braise.

 

Vois la blanche palombe ! Entre les hauts sapins

Elle a bâti son nid dans une faille obscure.

De ses trilles craintifs elle appelle l’amant

Et son aile frémit sans repos. Ô tristesse,

Ô colombe, si tu connaissais mon tourment,

Les baisers d’un amant ne t’apaiseraient pas.

 

Où fuir ? L’azur est ma prison ! Si loin

Que je tente d’aller, il m’enserre. Gravé

Devant mes yeux en sillons profonds dans le cuivre,

Aux tables du Destin, voici mon Jugement.

Ils sont mille témoins, debout, à m’accuser.

Les étoiles exigent, vengeresses, mon sang.

 

À la voûte des cieux, elles brillent, terribles,

Comme une garde armée au long ile mon chemin.

Dans la sombre nuée travaille le malheur

À bâtir une croix immense : elle est pour moi !

Où fuir ? Lorsque la mort me tend sa coupe pleine

Et qu’au sein de la terre un lit glacé m’attend ?

 

Assez, mon âme, il faut accepter ton destin !

En vain, tu ne fus pas condamnée à ces chaînes.

La moindre fleur aussi fut créée pour souffrir.

La peine de la mort est condition de vie.

L’univers est un temple où seront immolés

Sur les autels du Temps tous les enfants de Dieu.

 

Aussi, ne tremble pas à l’heure inexorable

                Où tu rencontreras ton châtiment.

Joyeux, revêts plutôt la bure des martyrs !

Le grain de blé qui meurt dans le sein de la terre

Revit dans l’épi d’or et la moisson céleste.

Par la douleur en son mystère tu seras purifié.

Seule la Croix unit cette vie et les cieux.

 

 

 

 

Erik Johan STAGNELIUS.

 

Traduit du suédois par Jean-Clarence Lambert.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie suédoise, Seuil, 1971.