Causeries des fleurs

 

 

Que peuvent te dire ces fleurs

Que le souffle du vent caresse ?

Avec bonheur, avec tendresse,

Elles causent comme des sœurs ;

Tout leur sourit sur cette terre,

Le jour, elles ont un ciel bleu

Et de beaux rayons de lumière

Que vers leurs fronts dirige Dieu ;

Au soir, une brise embaumée

Les rafraîchit des feux du jour,

Tandis qu’au loin l’étoile aimée

Sur elles veille avec amour ;

Les fleurs ont beaucoup à se dire,

Car elles savent plus que nous,

L’onde qui gazouille ou soupire

Pour elles a des chants bien doux ;

Les esprits qui passent sans nombre

Dans les airs, quand la lune luit,

Accourent les baiser dans l’ombre

Leur disant tout bas : bonne nuit !

Puis se cachant dans la verdure

Parlent en mots mystérieux,

Mais les fleurs, dont la vie est pure,

Connaissent la langue des cieux.

Elles écoutent en silence

Les esprits formant mille vœux,

Pendant qu’au loin la nuit s’avance

Et qu’un grillon chante près d’eux.

Moi, j’entends ces fleurs frémissantes,

Qui pleines de parfums d’amour,

Des nuits tièdes et transparentes

Content ces mystères au jour.

Et tu veux que je te redise

Ce qu’elles m’apprennent parfois,

Tandis qu’au souffle de la brise

Se mêle leur suave voix ?

« L’amour », tout bas murmurent-elles,

» L’amour est la loi du Seigneur,

» Du haut des sphères éternelles

» Il le verse dans chaque cœur ;

» Pendant les nuits silencieuses,

» Lorsque sur la terre tout dort,

» Des esprits les voix gracieuses

» Le chantent dans un saint transport,

» Ils disent : comme la prière,

» Quel lien unit l’homme à Dieu ?

» Quel bonheur rempli de mystère

» Brûle l’âme d’un divin feu ?

» Ah ! c’est l’amour, songe suprême,

» Chant pur aux sons consolateurs

» Qui fond en un seul mot, je t’aime,

» Deux êtres, deux âmes, deux cœurs :

» Souvent, lorsque la nuit discrète

» Étend son voile sur les champs,

» Un soupir d’amour nous arrête

» Dans l’air qu’aspirent deux amants,

» Et, de nos ailes étendues,

» Nous formons un dais ravissant,

» Sur ces deux âmes confondues

» Qui s’unirent en s’embrassant ;

» Sur leurs fronts nous versons l’extase

» De quelque beau rêve enchanteur,

» Nous les entourons avec grâce

» D’une atmosphère de bonheur ;

» Ivres de joie et de mystère

» Près de ce couple bienheureux,

» Dans le froid exil de la terre,

» Nous nous croyons encor aux cieux. »

 

Vois-tu, je comprends leur langage,

Qui n’est point troublé par les pleurs.

Hier au soir sous le feuillage

Voilà ce que disaient les fleurs.

 

 

 

Louisa STAPPAERTS.

 

Paru dans la Revue de Liège en 1844.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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