Une fleur du ciel
Un jour il envoya ses anges la chercher,
L. ALVIN.
« C’était un beau jour, ma mère,
Lorsque au banquet du Sauveur,
Dans une ardente prière,
J’allai déposer mon cœur.
Je vois encor mes compagnes,
Qui traversaient les campagnes,
Toutes blanches comme moi ;
Je sens encor ta caresse,
Alors que, pleine d’ivresse,
Je m’élançai près de toi. »
Et toujours dans les airs la funèbre volée
Du vent du nord brisait la feuille désolée :
L’automne s’avançait, livide, dans les champs,
Et l’oiseau murmurait des plaintes dans ses chants.
« Oh ! je m’en souviens, ma mère,
Les cieux paraissaient si beaux !
Et des rayons de lumière
Se jouaient sur les vitraux :
Je croyais y voir des anges,
Prêts à chanter les louanges
Du suprême Créateur,
Et je désirais des ailes,
Pour qu’aux voûtes éternelles
Nous pussions voler en chœur. »
Et toujours dans les airs la funèbre volée
Du vent du nord brisait la feuille désolée :
L’automne s’avançait, livide, dans les champs,
Et l’oiseau murmurait des plaintes dans ses chants.
« Voilà trois mois, ô ma mère,
Que ce rêve me poursuit,
Et ce ravissant mystère
Me fait ange chaque nuit.
Je garde ma robe blanche,
Ma couronne de pervenche,
Pour les mettre dans les cieux ;
Car des anges, sur la terre,
La troupe douce et légère
Viendra me prendre à vos yeux. »
Et toujours dans les airs la funèbre volée
l)u vent du nord brisait la feuille désolée :
L’automne s’avançait, livide, dans les champs,
Et l’oiseau murmurait des plaintes dans ses chants :
« Je ne regrette, ô ma mère !
Que ton amour ici-bas,
Et de la céleste sphère.
Je veillerai sur tes pas.
Ne pleure point, je t’en prie :
Là-haut, si belle est la vie !
Ah ! dis-moi qu’à cet instant
Tu soigneras ma parure,
En te disant sans murmure :
« Au ciel ma fille m’attend. »
Et toujours dans les airs la funèbre volée
Du vent du nord brisait la feuille désolée :
L’automne s’avançait, livide, dans les champs,
Et l’oiseau murmurait des plaintes dans ses chants.
« Il me semble, bonne mère,
Lorsque j’écoute mon cœur,
Qu’en cette robe si chère
Je plairai plus au Seigneur,
Quelque chose me l’assure,
Sous cette tunique pure
Le ciel m’exaucera mieux,
Lorsque ma vive prière
Lui demandera ma mère
Qui languit en d’autres lieux. »
Et toujours dans les airs la funèbre volée
Du vent du mord brisait la feuille désolée :
L’automne s’avançait, livide, dans les champs
Et l’oiseau murmurait des plaintes dans ses chants.
Après trois jours, sans souffrance,
Mère, expirait ton enfant,
Et, seule dans l’existence,
Tu cheminais en pleurant.
Avec sa tunique blanche,
Sa couronne de pervenche,
Elle dormit sous tes yeux ;
Mais plus tard l’ange immortelle,
Te soutenant de son aile,
T’emportera vers les cieux.
Et la dernière feuille, au vent du nord brisée,
Tombait, en frissonnant, de la branche blessée.
C’étaient des jours de deuil : dans les airs, par moment,
Le son du glas des morts vibrait lugubrement.
Louisa STAPPAERTS (Madame RUELENS).
Recueilli dans Anthologie belge, publiée sous le patronage du roi
par Amélie Struman-Picard et Godefroid Kurth,
professeur à l’Université de Liège, 1874.