Le cœur encor
peut rajeunir
Comme volent les années !
Nous voici bientôt des vieux.
Et le soir de nos journées
Déjà paraît dans les cieux.
Le passé, sans nulle trace,
Déjà pâlit et s’efface.
Regardons vers l’avenir.
Lorsqu’en ce monde tout se glace,
Le cœur encor peut rajeunir.
. . . . . . . . . . . . .
Eh quoi ! parler de vieillesse !
Déjà n’aimerions-nous plus ?
Temps d’amour et de jeunesse
Déjà seriez-vous perdus ?
Mais brillante et fraîche éclose
Tout l’été fleurit la rose.
Regardons vers l’avenir :
Il ne détruit pas toute chose ;
Le cœur toujours peut rajeunir.
Oui, ma douce et pure étoile
Toujours brille sur mes pas.
Au vent livrons notre voile,
Car l’amour ne vieillit pas.
Par lui nos blanches années
Seront encor couronnées.
Regardons vers l’avenir :
Même au soir de nos destinées
Le cœur toujours peut rajeunir.
Cueillons les biens que Dieu sème
Partout sur notre chemin.
Peu suffit lorsque l’on s’aime ;
Il pourvoit au lendemain.
Aux campagnes immortelles
Nous volons : ouvrons nos ailes.
Regardons vers l’avenir :
Auprès des sources éternelles
Le cœur un jour doit rajeunir.
15 juillet 1852.
Aimé STEINLEN.
Recueilli dans Les poètes vaudois
contemporains, par A. Vulliet, 1870.