Il faut chanter
À L. Pamphile Le May
Oui ! tu l’as dit, barde de la souffrance,
Il faut chanter pour adoucir nos pleurs !
Sur tous les maux, fille de l’Espérance,
La Poésie aime à semer ses fleurs.
C’est qu’au delà des bornes de ce monde
Les cœurs souffrants voudraient se rejeter :
Écho des cieux, toi qui n’as rien d’immonde,
Pour le malheur, poète, il faut chanter !
Un souffle aride a passé sur nos têtes,
Il va prêchant le culte du veau d’or ;
L’homme s’épuise en de vaines conquêtes,
L’autel du siècle est un lourd coffre-fort.
Mais dans la foule où grandit l’égoïsme
Que de vertus s’efforcent de lutter !
Ah ! tends la main à ce noble héroïsme :
Pour ceux qui croient, poète, il faut chanter !
Des jours fameux qui marquent notre histoire
Dis-nous encor les grandes actions !
Enfant du peuple, enrichis sa mémoire,
Donne-lui part à tes émotions !
Le souvenir des travaux d’un autre âge
N’est plus au sol qu’il ose déserter !
Que tes leçons réveillent son courage
Pour ton pays, poète, il faut chanter !
Tu n’iras pas couper tes ailes d’ange
Pauvre inspiré qui tremble au moindre vent ;
Rien ici-bas n’est exempt de mélange,
Mais l’art divin y triomphe souvent.
L’âme enivrée aux accords de la lyre
Rêve du ciel et cesse de douter :
Suis dans son vol la muse qui t’inspire.
Toujours ! pour tous, poète, il faut chanter !
Oui, mêle aux voix qui partent de la terre
Ton chant d’espoir, d’amour et de pudeur !
Du feu sacré garde l’empreinte austère,
Seul il possède et donne la grandeur –
Vers l’Éternel laissant monter la flamme,
Du vrai, du beau, tu ne peux t’écarter.
Ton idéal abreuve et ravit l’âme :
Il faut chanter, poète, il faut chanter !
Benjamin SULTE.