L’Amour brûlant
FRAGMENTS
Que la terre se taise et que l’homme en silence
Écoute mon propos et que son cœur y pense.
Et toi, puisqu’à tes feux je fournis tant de bois,
Amour, donne ton souffle aux accents de ma voix.
Soudain que les rayons de la beauté première
Ont jeté dedans l’Âme un excès de lumière,
Ramassant en un point ce qu’elle a de chaleur
Elle fait un brasier au centre de son cœur.
La flamme ayant gagné – la chair déjà vaincue,
Et sous les pieds d’Amour si souvent abattue,
Passe devant l’Esprit qu’elle va saisissant,
Et jusqu’au plus profond par ses traits ravissant,
Ravage tous les sens, s’empare des puissances
Ôte de tout le mal les fortes résistances,
Envahit la raison, échauffe les esprits,
Rend tout le corps soumis et les membres surpris,
Sans laisser ni le sang ni rien dans les artères
Qui ne soit pénétré de ses ardeurs sincères ;
Met enfin dans le cœur un feu bien allumé
Et fait régner en l’homme un amour enflammé.
[...]
Mais ce qu’il faut ici plus que tout admirer
C’est que le plus haut point où l’on puisse aspirer,
Ce beau lit nuptial où l’Époux se repose,
En qui la majesté de Dieu même est enclose,
Est dedans ce grand feu, dans ce vaste brasier
Qui fait plus en grandeur que tout le monde entier.
C’est là que s’accomplit le Divin mariage
De l’Âme avec son Dieu, c’est là qu’elle s’engage
À lui pour un jamais et que plus hautement
Elle est unie à lui d’un saint embrassement.
La vertu plus exacte en fait l’Épithalame.
Là sont les biens du Ciel pour enrichir cette Âme ;
Mais las ! que disons-nous ? Muse c’est trop parlé
C’est un secret du Ciel qui doit être celé.
Jean-Joseph SURIN, Poésies spirituelles.
Recueilli dans Dieu et ses poètes, par Pierre Haïat,
Desclée de Brouwer, 1987.