Le Noël des bergers

 

 

Su ! su ! bergers de la vallée,

Près de l’Enfant-Dieu venez tous !

Su ! su ! bergers ! éveillez-vous !

Courez vers la crèche étoilée !

 

                              CALIXTE.

 

Ah ! Pérodin, ne sais-tu pas ?

Un Dieu vient de naître ici-bas,

Il est logé dans une étable ;

Il n’a ni berceau, ni rideau :

En cet état si misérable

Allons tous lui faire un cadeau.

 

Su ! su ! bergers de la vallée,

Courez vers la crèche étoilée !

 

                              PÉRODIN.

 

Moi, je lui porte un agnelet,

Avec un petit pot de lait,

Un bel oiseau dans une cage ;

Firmin portera du gâteau,

Talbot, du beurre et du fromage,

Et Petit-Jean, un petit veau.

 

Su ! su ! bergers de la vallée,

Courez vers la crèche étoilée !

 

Par le chemin, cherchons encor

Des noisettes aux coques d’or,

Se berçant sur leurs branches sèches :

Offrons-lui ce hochet tremblant.

Faisons, des dernières fleurs fraîches,

Pour sa mère, un pur bouquet blanc.

 

Su ! sul bergers de la vallée,

Courez vers la crèche étoilée !

 

Nous aurions soin, s’il avait froid,

D’allumer, sous son pauvre toit,

Un peu de bois et de bruyère ;

Et, tenant nos chapeaux devant

Pour atténuer la lumière,

Nous lui ferions un paravent.

 

Su ! su ! bergers de la vallée,

Courez vers la crèche étoilée !

 

                              CALIXTE.

 

Mettons sur ses mains un baiser ;

Et jouons-lui, pour l’amuser,

Notre plus doux air de musette.

Et si, content de tous nos vœux,

Soudain il nous faisait risette,

Ah ! comme nous serions heureux !

 

Su ! su ! bergers de la vallée,

Courez vers la crèche étoilée !

 

                              PÉRODIN.

 

Dans la cabane de pasteur,

Le souvenir du Rédempteur

Rayonnera comme une flamme !

Surtout faisons-lui bien sentir

Tout ce que nous avons dans l’âme,

Et notre chagrin de partir !

 

Su ! su ! bergers de la vallée,

Courez vers la crèche étoilée !

 

                              CALIXTE.

 

Ah ! Pérodin, que dis-tu là ?

Il ne faut pas faire cela,

J’aimerais mieux perdre la vie !

Restons toujours dans ce saint lieu,

Tenons-lui toujours compagnie,

Ne lui disons jamais adieu !

 

Su ! su ! bergers de la vallée,

Près de l’Enfant-Dieu venez tous !

Su ! su ! bergers ! réveillez-vous !

Courez vers la crèche étoilée !

 

 

 

Marie SUTTIN.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

 

 

 

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