Espérance

 

 

                                                          À MON AMI L...

 

 

Lorsque l’ombre s’étend au pied des arbres verts,

Tandis que des grands monts les sommets découverts

Brillent de mille feux répandus dans l’espace,

Tu me dis : « Parlons bas, ou plutôt, taisons-nous,

« J’ai besoin de rêver en ployant les genoux

« À l’idéal divin qui dans ces rayons passe ;

« Si tu me vois pleurer, ne crois pas que mon cœur

« Souffre de ce moment d’ivresse et de ferveur :

« Les larmes dans mes yeux expriment la prière !

« Je me rapproche alors avec humilité

« De ce puissant foyer d’amour et de beauté

              « D’où jaillit la lumière ! »

 

Je te comprends, ami. Pleine d’émotion

Je te bénis d’avoir la sainte passion

De l’immense infini d’où descendit la vie !

Nous sommes ainsi faits : au loin dans le ciel bleu,

Parmi les astres d’or, sous le regard de Dieu,

Involontairement nous cherchons la patrie…

Là-bas le vrai, le beau, l’absolu, l’éternel,

L’amour toujours ardent, adorable, immortel,

La paix se révélant par l’ordre et l’harmonie.....

Ici l’illusion, le doute, l’inconnu,

Le vice s’affublant d’un manteau de vertu

              Et vivant d’infamie.

 

Tant qu’il existera des cœurs comme le tien,

Battant au nom du vrai, de l’idéal, du bien,

S’animant au contact de la beauté divine ;

Tant que le dévouement ne sera pas un mot,

Tant que la charité, répondant au sanglot,

Relèvera le front que le malheur incline,

Notre monde imparfait, circulant dans l’azur,

Épave du soleil, formé d’un monde impur,

Conservera toujours un divin caractère !

C’est un lieu de combat, d’où l’on entend parfois,

Parmi les cris haineux, poussés par mille voix,

Le chant du sanctuaire.

 

Oh ! soyons indulgents et ne méprisons pas,

Ce monde s’agitant entre vie et trépas.

Où nous devons passer pour savoir et connaître !

Le métal est plus pur en sortant du creuset,

Et, lorsqu’on a souffert, on comprend maint secret.

Exister, c’est apprendre, et mourir, c’est renaître !

L’avenir est à nous. Il sourit au berceau,

Nous soutient au passage et nous suit au tombeau.

Nous nous élèverons à force de vaillance,

Et, malgré nos chagrins, nos désillusions,

Nos fréquents insuccès, nos folles passions,

              Conservons l’espérance !

 

 

 

J. de TALLENAY.

 

Paru dans L’Initiation en juin 1893.

 

 

 

 

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