Les cloches

 

 

              Cloches, cloches, ébranlez-vous

              En ding-dings sonores et doux !

              Qui, vous comprenant, ne vous aime ?

              Il n’est pas de fêtes sans vous...

              Cloches, cloches, ébranlez-vous,

              Pénétrez la voûte suprême !

 

Pleines de l’arôme des buis,

Ô cloches des Rameaux, de verdure habillées,

              Chassant les hivernales nuits,

Jetez au printemps vos notes éparpillées !

 

              Par-dessus le bourdon du glas,

              Le désarroi des tocsins fauves,

Élevez votre voix, cloches de Pâques mauves

              Qui sentez si bon le lilas !

 

Cloches de Fête-Dieu qu’enguirlandent les roses,

              Murmurez d’estivales choses

              Sous l’arc fleuri des reposoirs !...

 

Vous, cloches bleues de Mai, descendez turbulentes...

 

Avec l’odeur des pins, tombez sages et lentes,

              Cloches d’Angélus des beaux soirs !

 

Sous le vermeil levant, cloches de Pentecôte

              Frappant tôt le ciel opalin,

              Du vent bienfaisant de la côte,

              Rapportez-nous le suc salin !

 

Vous, dans la canicule en ses lourdeurs d’étuve,

              Pourpres cloches d’Assomption,

              Des terres en production,

              Répandez le puissant effluve !

 

              Cloches grises de la Toussaint,

              Larmoyantes sous vos longs voiles,

              Allez, mélancolique essaim,

              Narrer votre deuil aux étoiles !

 

              Cloches du minuit de Noël,

              Si célestement poétiques,

              Dans la neige vierge et le gel

              Lancez vos carillons mystiques !

              À Bethléem transportez-nous

              Parmi les bergers et les mages

              Montrez-nous les chères images

              Dont l’idéal plaît à nos goûts !

 

Et vous qui nous sauvez du divin anathème,

              Ô cloches blanches du baptême

Embaumant la dragée, avec mol abandon,

              D’accords légers faites-nous don !

 

Vous aussi qu’enveloppe un mousselin nuage,

              Cloches dorées du mariage

Aux parfums d’orangers, pour unir des heureux,

              Formez un concert amoureux !

 

Vous, plus guère aujourd’hui qu’un pâle simulacre,

              Cloches solennelles du sacre

Qui fleurez tant les lys, ne parlons pas de vous

              Car vous suscitez des courroux.

 

Ne t’oublions pas, toi, cloche simple et grossière,

              Mais qui nous es si familière

Cloche grave appelant, exact à l’atelier,

              Deux fois chaque jour, l’ouvrier...

Cloche grêle attirant vers l’école, l’élève...

              Cloche allégeante de la trêve...

Ou cloche sans façon prévenant du régal

              D’un repas plus ou moins frugal !

 

Quel que soit le motif noble qui vous entraîne,

              Ô Cloches à voix surhumaine,

Vous éveillez les sens et venez rafraîchir

              La mémoire prompte à fléchir !

 

              Par-dessus monts et roches,

                  Cloches, cloches !

              Par-dessus les grands bois,

                  Les hauts toits,

              Éclatez souveraines

                  Et sereines,

              Votre langage clair

                  Charme l’air !

              C’est de vos envolées

                  Assemblées

              Que, dans un libre essor,

                  L’esprit sort.

              Que votre battant vibre

                  Fibre à fibre,

              Ainsi qu’un cœur humain

                  Sous la main.

              Que de vos sons progresse

                  L’allégresse

              Jusqu’au suprême lieu

                  Où vit Dieu !

 

 

 

 

              Madame de TERSAC,

              Au gré du souffle, 1903.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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